Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 2, 1922.djvu/115

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détruire une aussi belle destinée… Dix ans je me suis passionnée pour son bonheur ! Je n’ai eu que ce but unique, je peux le dire. Il ne faut pas que tous ces efforts soient perdus. Que mon départ serve au moins à quelque chose… à le délivrer tout à fait et pour de bon… Sur les deux, qu’il y en ait un au moins de sauvé… Ah ! qu’il l’ait, son « bonheur » ! Nous en aura-t-il assez encombrés, hein, de « son bonheur » ?… Ah ! Dieu, qu’il soit heureux enfin… si ça peut lui faire plaisir !

FÉLIX.

Que c’est bien, ce que vous dites là, et que vous parlez peu en femme !… Oui, mais le moyen ?

GENEVIÈVE.

Très simple… Pour la première fois, je vais faire œuvre pieuse et lui mentir. Ce sera ma manière de répondre à ses idées révoltantes et si factices sur la vérité, au nom de laquelle il lui est loisible de commettre toutes les infamies depuis notre mariage !

FÉLIX.

C’est si commode !

GENEVIÈVE.

Ah ! la vérité dont il m’aura tant accablée, la vérité qui tue l’amour !… Seul le mensonge est pratique et pitoyable, le beau mensonge qui voile tout… Eh bien, voilà, je vais mentir pour son bonheur.

FÉLIX.

Comment ?

GENEVIÈVE.

Je vais lui faire croire, avec toutes les preuves à l’appui, que, moi aussi, je lui ai été infidèle et que je l’ai trompé.

FÉLIX, riant.

Pfff !… Si c’est tout ce que vous avez trouvé, ma pauvre Viève ! Il ne vous croira pas.

GENEVIÈVE.

Ça dépend. Il y a la manière.