Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 2, 1922.djvu/270

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ISABELLE.

Ils ne sont pas mal du tout, ces vers… Je n’ai pas voulu te vexer. Il faudrait les montrer à Georges… Il ne les connaît certainement pas… S’il les connaissait, il m’en aurait parlé… (Elle relève la tête avec orgueil.) Comme il me dit tout !

JEANNINE.

Alors, pourquoi me le demandes-tu ?

ISABELLE.

Parce que tu aurais pu les lui montrer aujourd’hui, par exemple… ou tout dernièrement.

JEANNINE.

Eh bien, demande-le lui donc… puisqu’il te dit tout… c’est plus simple !

(Elle se dirige vers la porte rapidement.)
ISABELLE fait un mouvement en avant.

Voyons… mignon…

JEANNINE.

Si, je t’assure… moi, j’en ai assez… je m’en vais. (À la porte elle se retourne une dernière fois, gouailleuse et regardant Isabelle dans les yeux, elle lance :) Pour le reste, si tu as besoin de renseignements… tu n’as qu’à demander à Georges !

(Et puis elle claque la porte du jardin. L’appartement en a tremblé.)
ISABELLE, seule.

Oh ! j’ai été maladroite !… Oh ! je m’en veux !… Elle se moque de moi maintenant… (On entend la voix de Jeannine qui chante très haut dans le jardin.) Allons, la voilà qui chante !… C’est clair… Je t’entends, je t’entends, va ! Voilà une chanson qui parle mieux que toutes les paroles… (Elle passe ses mains sur sa figure.) Oh ! puis… (Elle rejette la tête en arrière, comme pour en faire tomber tout un poids.) Ah ! il y a encore de belles préoccupations !

(Elle se précipite au piano ouvert et elle se met à jouer avec fureur des mains, de la tête et des épaules.)