Scène X
Vous venez ? Je suis prête.
Oui… Écoutez comme c’est passionnant, hein ?… Vous aimez Schumann ?
Beaucoup, beaucoup… Figurez-vous, ma chère, que je viens de recevoir une dépêche de Victor… Contre-ordre… Il n’arrivera que d’aujourd’hui en huit. (Un temps.) Eh bien !
Ma petite Odette, je suis au bord d’une grande chose qui me fait peur… je le sens bien, allez… j’ai compris de quel mal je souffre.
Il a menti ?… Ah ! prenez garde, Isabelle, ne ramassez pas le mouchoir d’Othello !… Ce Georges ! dites donc un peu que vous ne l’aimez pas !
Oui, n’est-ce pas ? c’est visible ?… (Elle parle lentement, à voix à peine perceptible, tant elle est basse et tremblante) Mais sentir que je dois cela, Odette, que je dois cela à un baiser !… que je dois cela à ce qu’il y a de plus vil en moi, à l’humiliation d’une caresse de chair !… Et dire qu’il a suffi d’une minute, d’une étreinte, pour faire sombrer toute ma vie… et me livrer, poings liés, à cet asservissement… oh ! j’en pleurerais, j’en pleurerais d’une grande honte blessée… Et où vais-je maintenant, où vais-je ?… Alors, c’est ça la jalousie ?… Elle aussi, il va falloir qu’elle entre en moi ? car je sens venir quelque