Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 2, 1922.djvu/287

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JEANNINE, suppliant.

Georges, vous ne pouvez pas me refuser si peu de chose : Cinq minutes… consacrez-moi cinq minutes dans votre vie, dans toute votre vie ! Comme c’est peu pourtant. Ne jamais vous parler, ne jamais m’épancher contre votre épaule !… Oh ! voyez-vous, c’est l’idée fixe maintenant ! et je mourrai contente… Quelques secondes de pitié pour moi seule. Oh ! ne reculez pas comme ça… je suis si loin !… (Les larmes aux yeux.) Écoutez, je souffre bien pour vous dire cela… j’ai beaucoup de peine, j’ai tant de peine !… et c’est pour vous !… Oh ! aimez-moi, dites, aimez-moi !…

(Elle a dit cela sur un ton de petite plainte douce… et on l’entend pleurer.)
GEORGES, ému.

Mon pauvre petit !

JEANNINE, reniflant ses larmes.

Merci. J’aime tant quand vous m’appeliez mon pauvre petit ! Ça me fait du bien pour quelque temps… (Vivement.) C’est vrai que j’ai des choses à vous dire… J’ai des papiers très sérieux à vous remettre… un grand, grand mystère… Je vous en conjure… ce soir, après dîner…

GEORGES, l’interrompant.

Non, inutile ! Pas de cachotteries. Ça ne prend plus.

JEANNINE.

Bien, parfait ! Où avais-je la tête, en effet ? je suis stupide ! Vous avez trop peur d’une scène ! Vous manquez de chic, décidément vous n’avez pas d’allure, mon ami… Alors, c’est non, non ?

GEORGES.

Non. (Brusquement Jeannine qui jouait avec le verre de couleur le casse.) Là ! vous l’avez cassé ! Je l’avais préparé pour ma lecture. C’est intelligent ! Et vous vous êtes fait mal ?… oh ! mais très… vous saignez ?