Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 3, 1922.djvu/338

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IRÈNE.

Dame ! je ne peux plus recevoir de princesses maintenant… que celles qui ont épousé leur chauffeur. J’aime mieux Mme  Ledoux. Elle est très bien ; c’est une philanthrope ; elle a admirablement monté — et avec son seul argent — cette fabrique de tapis orientaux pour rapprendre aux petits Arabes leur art et leur industrie… C’est très louable, et très artiste.

GEORGET.

Ce qu’elle a turbiné ! On m’a raconté sa vie… quelqu’un qui l’a connue… Elle en a fait des frasques, dans son temps ! Elle a été la maîtresse du prince Grimaldi, paraît-il, à qui elle doit sa fortune ; elle a été célèbre dans la diplomatie à Vienne, et c’est un peintre, avec lequel elle était venue ici, qui lui a laissé le goût des arts… Le nom bien calme et bien sage de Ledoux qu’elle honore, ne l’a pas protégée contre les orages et son tempérament. C’est un admirable échantillon.

IRÈNE, (assise et lançant au loin une bouffée de cigarette.)

Pas bien rare, va, ma Gette !… Dans tous les faubourgs élégants des grandes villes cosmopolites, sur toutes les hauteurs des beaux points de vue, il y a de ces vieilles-là. On en rencontre toujours. Ce sont des ruines errantes qui ont voulu bâtir leur dernier refuge sur un beau site autrefois admiré en passant, dans les époques de joie… Elles s’en souviennent et alors elles y viennent