Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 5, 1922.djvu/16

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appartient de s’élever, s’ils le veulent, sans encombre jusqu’à la grande morale naturelle. Ce sont vraiment des individualités libres par définition.

Si j’avais conféré à l’un de mes personnages, un vieux peintre, qui a épousé un pauvre être subalterne, la faculté d’exprimer ses idées, il dirait ceci :

« Le devoir de l’artiste est de restituer à la vie toute sa réalité, de rejeter le faux, le factice, conventions et préjugés, pour n’aller qu’à la vérité, car elle seule est la base de tout, la source de notre inspiration comme de notre amour. Je veux la même conception pour l’art et pour l’amour : un code naturel. Aimer la femme de cette manière-là et respecter en elle tout ce qui est vrai, naïf, instinctif et nu, c’est peindre encore là un admirable tableau ! Nous devons aller à la femme nature et à l’amour libre, non point dans le sens reçu de ce mot, mais dans le sens qui veut signifier amour libéré, libéré de tous les préjugés, de toutes les faiblesses et donnant l’exemple à ceux qui n’en ont pas les moyens d’une joie indépendante et robuste. »

Ma pièce pourrait donc être dédiée à la gloire des instinctifs, de ces êtres qui détiennent, dans les profondeurs inconscientes de l’âme, la plus grande beauté du monde moral. Ce sont eux la force la plus belle de la vie.

Et à ce propos, il faudrait restituer à ce mot : Instinct, sa véritable signification. Par une habitude défectueuse on le rabaisse généralement à l’animalité la plus débridée, animalité qui n’est qu’une de ses faces. Par définition c’est la faculté d’accomplir certains actes impulsifs, sans connaissance de leurs fins, et en dépit des éducations