baiser, à cause du hasard d’une rencontre, d’un geste, d’une action en apparence moins grave, moins importante que mille autres !
Il y a plusieurs sortes de hasards. Il y a le hasard absurde, incontrôlable, l’accident bête, imprévu. Ce n’est pas celui-là qui nous intéresse. Celui-là n’a rien à voir avec l’art dramatique. Mais il y a un autre hasard, celui qui provient de la combinaison des rêves intérieurs avec l’événement passager ; c’est celui-là qui crée l’action ; celui-là est pathétique et donne en général, à tout scandale qui éclate, le pouvoir de nous émouvoir si étrangement.
Le scandale, brusquement, s’empare de quelques êtres et livre le mystère de leur vie, de leur âme, tout à coup, à la brutale publicité et à la sanction. C’est pour nous, spectateurs, l’effraction soudaine de cette vie muette et secrète des âmes qui engendre cette curiosité passionnée dont nous ne pouvons guère nous défendre.
Pauvre et terrible fatalité qui désigne et saisit ainsi, comme un châtiment, certaines actions qui ne méritaient point ce privilège et dont la société fait tout à coup son aliment et sa morale ! Rêves déracinés, arbres abattus, désastres de rêves conçus dans le silence et précipités tout à coup au bruit et à la clarté.
Oui, ce sont les actions malchanceuses, les damnées qui payent pour les autres ; et les autres, ce sont ces actions étouffées, silencieuses, qui n’ont point fait de bruit, dont les répercussions ne sont pourtant pas moins graves ni moins criminelles,