Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 6, 1922.djvu/247

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ROSETTE.

Mais c’est un tout, tout jeune homme ! Qu’est-ce que ça peut avoir ? Vingt ans ?…

ADRIENNE, (haussant les épaules.)

Peut-être… D’abord, je ne pouvais pas le sentir… J’étais comme toi, c’est drôle… La première fois que je l’ai aperçu dans l’hôtel, je me suis dit : « Quel est cet imbécile ?… » C’était dans le bar… Je lisais les journaux… Il est entré… il sifflait… Puis il a claqué la porte, en sortant, de toutes ses forces. J’ai pensé : « Quelle brute !… » Puis, un autre jour, je l’ai mieux regardé… Je lui ai trouvé de jolis yeux… Ensuite, il m’a paru très fin au contraire… un peu timide… avec quelque chose d’hypocrite qui n’était pas sans charme… Ses mouvements, qui me semblaient ridicules comme à toi, m’ont fait sourire avec attendrissement… Il s’est révélé peu à peu… jour à jour… et, maintenant, je me demande comment j’ai pu jamais le trouver grossier ou brutal, alors qu’il est justement si fin, si particulier, si…

ROSETTE, (l’interrompant.)

Diable !… Quand les détails qu’on haïssait deviennent voluptueux et que ce qu’on appelait des défauts se transforment en particularités ! alors, rien à faire… l’amour est au point…

ADRIENNE.

Ce n’est pas de l’amour.

ROSETTE.

Non. C’est de la rage.

ADRIENNE.

Je n’éprouve qu’un plaisir artiste, très sain, je t’assure, à le regarder, et voilà tout… C’est une