Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 6, 1922.djvu/57

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MADAME ARMAURY, (qui retrouve assez d’énergie pour se redresser.)

Monsieur, je crois au contraire que, devant de pareilles paroles, un tel accès de démence… je n’ai qu’à me retirer… Mon mari est là pour vous répondre.

LE DUC.

Non, Madame !… Et je ne peux pas lui demander raison !… C’est bien ce qu’il y a de pire !… Mais j’ai des volontés à dicter. Nous aurons la main, vous et moi, Madame, à ce qu’elles soient tenues, j’en réponds ! Allons donc, ne faites pas tellement l’étonnée ! Votre responsabilité envers nous est aussi engagée, car vous étiez nos amis intimes, vous connaissiez la valeur et la moralité de votre mari…

MADAME ARMAURY, (rejetant son manchon sur la table.)

Monsieur, je vous somme de vous expliquer !… Vous prononcez les paroles les plus abominables… et devant sa femme… je ne sais comment vous osez…

LE DUC.

Votre mari a déshonoré ma fille, entendez-vous !

MADAME ARMAURY, (dans un cri terrible d’indignation.)

Ce n’est pas vrai ! Ce n’est pas vrai !… vous mentez ! C’est effroyable de me dire des choses pareilles !… Une preuve !… une preuve !…

LE DUC.

J’en ai mille. Allons, ne tergiversons plus, lisez cela, vous serez fixée…

(Il lui tend une lettre. Elle la lit. Ses mains s’agitent. Un grand temps. Elle ne dit plus rien. Et puis, elle parle, à mots vagues… sans voix… dans une sorte d’hébétude.)