Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 6, 1922.djvu/79

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rable sera accompli, ne jetteras-tu pas un regard de regret désolé sur tout ce que tu auras quitté ? Mon enfant, mon enfant, comprends-moi… Ce n’est pas de toi que j’ai peur, ce n’est pas de toi que je me défie, c’est de moi.

DIANE.

Comment, de toi ?

ARMAURY.

La vie que je t’apporterai en échange pourra-t-elle toujours te satisfaire ? Nous serons pendant longtemps un couple qui ne vivra que de lui-même ; par conséquent c’est dire que tu ne vivras que de moi. Quelle responsabilité effarante, ma grande petite fille adorée !… Je t’assure, au lieu de ce voyage de Tantale, j’ai bien envie, quand l’auto va ronfler à la porte, de te remettre doucement ton petit manteau de spleeping sur les épaules, de te réépingler ton chapeau sur la tête, de t’embrasser bien gentiment, bien longuement, sur le front, et puis, après une tape sur la joue, de dire : « Adieu, Dianette… Faut rentrer chez toi. »

DIANE.

C’est fini ?

ARMAURY.

Oui et non.

DIANE.

Marcel chéri, j’ai réfléchi à tout… et à bien d’autres choses. Ça ne se voit donc pas dans mes yeux, ça ne se voit donc pas dans la façon dont je te prends la main ?… Je viens à toi, comme tu dis, et je te donne ma vie entière… Fais-en ce que tu voudras… Tu parles, je crois bien, d’un sacrifice de ma part !… Je ne t’en fais aucun… Du moins, c’est si peu de chose, en comparaison de ce