Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 6, 1922.djvu/80

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que tu sacrifies, toi… et, de ça, tu n’en parles même pas… La vie qui m’attendait m’assomme à l’avance, et il n’y a pas de bonheur comparable à celui de vivre à tes côtés, avec toi, toujours… Le reste m’est tellement égal, va !… Nous pourrions vivre des années en wagon, ou fixés dans des endroits les plus baroques, tout m’est indifférent, si je suis « madame toi ». Je n’ai aucun mérite, c’est par égoïsme. Et puis, tu ne vas pas me forcer à te faire des déclarations d’amour sur une malle !… plutôt entre deux valises, car en fait de malles !… (Elle lève un index grave sur le visage de Marcel.) Pauvre petit Marcel !… Tu n’as pas besoin de me faire ces yeux ronds… En fait de sacrifices, il n’y a que les tiens… ils sont grands… C’est toi qui fais le mauvais marché.

ARMAURY, (lui mettant la main devant la bouche.)

Chut ! Dianette !… Tu sais ce que je t’ai dit à ce sujet : c’est une muraille pour toi… Il ne faut pas regarder par-dessus… Défense d’en parler, de m’interroger… Je désire même que tu prononces le moins possible le nom de ma femme… Comprends-moi, approuve-moi de temps en temps d’un regard, d’un sourire, quand tu verras que j’ai de la peine… c’est tout ce que je te demande… Je sais ce que je fais… Je sais jusqu’où je peux aller… Dans ces huit jours ma femme et moi nous aurons échangé toutes les paroles, et Dieu sait s’il y en a ! Je pars ; c’est que je sais qu’elle est capable de recevoir le coup… en tout cas, tout cela, c’est le… reste… et le reste, c’est le silence… Je te le dis encore une fois, mon enfant adorée, je n’éprouverais aucune blessure d’amour-propre, je te l’affirme, si tu me disais maintenant le contraire de ce que tu m’as écrit hier encore, dans tout ton