Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 9, 1922.djvu/197

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cette ironie… Ah ! justice, justice des idées (Avec un immense soupir.), que tu es donc difficile !

EDWIGE, (écroulée sur le pied de la chaise longue.)

Je suis désespérée !… Je suis désespérée !… Pardon, pardon, mon adoré, pour avoir défendu si stupidement mon triste amour… Pardon même de vous avoir aimé !

BOUGUET, (lui imposant la main libre sur le front.)

Il ne faut pas demander pardon d’aimer… mais d’avoir exigé toi aussi des droits illusoires !… Allons, ne pleure pas… Il ne convient pas de pleurer… Adieu, ma pauvre petite, car tu es une pauvre petite. Bonne chance ! Que la destinée te soit clémente !… Grandis et vieillis, harmonieusement, si tu le peux !… Je te le souhaite de tout mon cœur. (Une grimace de souffrance.) Quitte-moi, maintenant, nos minutes sont révolues.

(Il laisse retomber la tête sur les coussins.)
EDWIGE, (éperdument.)

Quoi ?… Adieu, comme cela !… C’est vrai ? Je ne puis pas rester plus longtemps à vos côtés ?… Quel cauchemar ! Cette entrevue de deux minutes, la dernière !… Et quelle entrevue !…

BOUGUET.

Va-t’en !…

EDWIGE.

Ah ! c’est atroce !… surhumain !… M’arracher à vous ainsi comme au milieu d’une catastrophe et pour toujours, pour l’existence entière !… Oh ! oh !… Alors, je ne vous reverrai plus jamais !… Est-ce possible, jamais plus ?… Ce visage-là !… ces yeux !… ces mains !… tout ce qui a été mon amour !… Vous vivrez… mais pour moi ce sera tout comme si vous n’étiez plus !… Oh ! c’est