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Scène XII.

Les Mêmes, VERTIGO.

(Il entre, très sombre, son serpent à la main, sa guitare au dos et son sac de facteur au côté. Il prend successivement la main de Miguel et celle de Manuelita, et les amène sur le devant de la scène.)

VERTIGO, d’un air consterné.[1]

Pas de souffle !… pas d’embouchure !… pas de lèvres !… Ce qui vient de m’arriver est inouï !… Écoutez cela, ça vous intéresse !… J’arrive à l’église très tard… l’office était presque fini. Je cours à ma place ; tous les regards se fixent sur moi…, le corrégidor me sourit d’un air bienveillant ; je lui rends son sourire. Je porte mon instrument à mes lèvres, je veux jouer… pfffff !… Rien !… Le corrégidor paraît fort surpris… je reprends mon haleine ; j’enfle mes joues ; je souffle… pffff !… Rien !… du vent, beaucoup de vent… mais pas de son !… Le corrégidor paraît de plus en plus surpris… Alors, au comble de l’embarras, je me trouble, je perds la tête, et, cherchant à dédommager d’une manière quelconque mon auditoire, machinalement, je me mets à gratter ma guitare… la surprise du corrégidor augmente… je veux entonner un motet… v’lan ! Je donne tête baissée dans la sérénade, et je fais : digue ! digue ! digue da !… La surprise du corrégidor ne connaît plus de bornes, et il s’écrie de sa voix magistrale : Que nous veut donc cet imbécile ? Alors, humilié au dernier point, je fais volte-face, je prends ma guitare à mon dos, mon serpent sur mon sein, mes jambes à mon cou et me voilà !…

MANUELITA.

Eh bien ! qu’est-ce que tout cela nous fait ?

VERTIGO.

Sans doute, la dernière heure du serpent à sonnettes…

MIGUEL.

Hein ?

VERTIGO.

Non…, a sonné… et très probablement, j’aurais perdu aussi ma place de facteur, si je n’avais eu l’esprit de passer

  1. Miguel, Vertigo, Manuelita.