Page:Baudeau - Première Introduction à la philosophie économique.djvu/138

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Cette qualité d’auteur ou de cause premiere dans l’ordre naturel de la bienfaisance générale, rend l’autorité si respectable et si sacrée aux yeux de la raison, que l’on ne peut, sans se rendre, pour ainsi dire, coupable de lese majesté, confondre les forces opprimantes, vexatoires et usurpatrices, avec " le devoir et le droit de faire regner la loi naturelle de la justice par essence, l’ordre naturel de la bienfaisance générale, droit qui est évidemment l’autorité " . La force opprimante et usurpatrice, mise en usage par la volonté déraisonnable, par l’orgueil exalté, par la cupidité envahissante de qui que ce soit, n’est jamais que délit, qu’attentat contre la raison et l’humanité. Dans les personnes privées, toute force oppressive et usurpatrice résulte de leurs propriétés ou facultés actuelles ; mais user de ces propriétés, de ces facultés pour attenter aux propriétés et facultés d’autrui, ce n’est pas liberté, c’est crime. Ce principe est de la plus suprême évidence. Si la supériorité de la force légitimoit tout usage des facultés qui la rendent actuellement supérieure (ce qu’on appelle vulgairement droit du plus fort) il n’y auroit pas la moindre différence morale entre celui qui pour son plaisir seul dévoreroit les entrailles de sa mere vivante, et celui qui s’exposeroit généreusement au plus grand danger connu pour sauver la vie de plusieurs milliers d’hommes, et pour assurer leur bonheur. Paradoxe absurde qui n’a pu tomber dans l’esprit que de quelques systématiques prétendus philosophes, dont l’imagination s’étoit échauffée par degrés dans l’ombre de leurs cabinets. Avoir une force privée actuellement supérieure à telle ou telle autre, c’est donc un résultat de vos propriétés. N’être empêché " par qui que ce soit d’en faire un bon et légitime usage " , c’est liberté : " en user pour usurper les propriétés ou pour violer les libertés d’autrui " , c’est crime ou délit. Avoir une force combinée par les procédés de l’art social, supérieure à toutes les forces privées, c’est l’apanage de la souveraineté ; en user pour l’observation de la loi naturelle de justice, et pour le regne de l’ordre naturel de bienfaisance, c’est exercer l’autorité ; en abuser au contraire pour usurper les propriétés et violer les libertés, pour contredire la loi naturelle de justice, pour renverser l’ordre naturel de bienfaisance, il est évident que ce n’est pas la même chose.