Page:Baudeau - Première Introduction à la philosophie économique.djvu/83

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

manque aux nô[148]tres : voilà le cri universel de la politique du jour dans toute l’Europe.

En conséquence, il n’est point de systêmes qu’on n’ait inventé pour attacher ou renvoyer des créatures humaines dans des campagnes sauvages ou dévastées.

Des bras, des bras ? C’est précisément ce qu’il ne faut point encore à vos exploitations actuelles ; hélas, vous n’en avez que trop de malheureux asservis à de longs et pénibles travaux trop infructueux ?

Des avances, des avances, voilà ce qu’il faut à la terre, voilà ce qui manque aux vôtres. Des avances souveraines, des avances foncieres, des avances mobiliaires d’exploitations productives, qui épargnent les hommes au lieu de les multiplier.

Il est singulier que cette doctrine ait été prise pour un arrêt de mort contre les hommes épargnés par l’heureux effet de ces bonnes et grandes avances sou[149]veraines, foncieres et mobiliaires de la culture ou des autres exploitations.

L’esprit de préoccupation s’est scandalisé d’entendre prononcer cette proposition qu’il y a trop d’hommes occupés aux terres actuellement en valeur dans toute l’Europe, trop d’ouvriers de culture.

Le premier desir inspiré par le préjugé, fut de contester jusqu’à la possibilité même d’épargner les hommes ; mais rien n’a été plus facile que de la prouver. Une grosse ferme de l’Isle de France, de Picardie, de Flandre, de Hollande, d’Angleterre, en a fourni la démonstration la plus complette.

Le second retranchement a été de se récrier contre cette épargne, et de la regarder comme meurtriere pour l’espece, comme funeste pour les etats politiquement considérés.

La réponse est encore plus facile. Les récoltes opérées par un plus petit nom[150]bre d’hommes, n’étant que plus abondantes au lieu d’être moindres, c’est la vie de plusieurs hommes à venir qui en résulte, non pas la mort des hommes déja nés. S’il est arrivé par bonheur que ceux dont vous venez d’épargner les travaux ne sont plus nécessaires à reproduire pour l’an prochain cette récolte qui va les nourrir pendant celle-ci ; vous pouvez les employer aux préparatifs d’une autre exploitation, les consacrer à quelques travaux de l’art social, ou même de l’art stérile. Loin de languir et de mourir comme vous croyez, faute de subsistance, ils peuvent être mieux, et rendre plus de services.