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Page:Baudeau - Première Introduction à la philosophie économique.djvu/88

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En effet, le régime fiscal s’est appesanti par-tout, sur les simples ouvriers ou manœuvres de la culture et des autres exploitations productives ; on les a surchargés de taxes personnelles, d’impôts sur leurs consommations, de corvées, d’enrôlements forcés, et d’autres exactions arbitraires de toute espece.

Les propriétaires fonciers sont presque par-tout les auteurs, les instigateurs de ce systême désastreux ; ils imaginent [162] que les charges aggravées sur le pauvre ouvrier des campagnes soulage d’autant leurs héritages du poids des impôts excessifs.

Cette erreur quoique générale dans notre Europe méridionale, n’en est pas moins souverainement absurde : car enfin, en voici le résultat très infaillible et très évident.

Les ouvriers de la culture et des autres exploitations productives rançonnés et vexés par des charges arbitraires, sont ou plus chers à soudoyer, ou plus malheureux. Plus chers, s’il faut que le cultivateur en chef (soit fermier, soit propriétaire) leur restitue le montant de toutes les exactions qu’ils souffrent, et leur procure encore une vie douce et commode. Leurs salaires doivent augmenter sans cesse à proportion de leurs impots, s’il faut que leur sort ne soit pas rendu pire.

En ce cas, la culture est surchargée [163] de tout l’impôt et de tous les frais qu’il coute à lever, et cette surcharge supportée d’abord par le cultivateur en chef, retombe bientôt sur le propriétaire même, dont le revenu quitte et net est diminué dans le bail à ferme ; c’est ainsi que l’assiette et l’augmentation continuelle des taxes et des autres charges sur les ouvriers ruraux, fait diminuer le loyer des terres, ou les empêche d’augmenter de prix dans la progression qu’elles devroient suivre, préjudice évident pour les propriétaires.

Autrement il faut supposer que cette race précieuse devient chaque jour plus misérable, que son sort est rendu plus dur, sa vie plus triste et plus pénible ; en ce cas il est évident qu’elle se dépeuple, qu’elle se décourage, qu’elle perd l’émulation, l’industrie, la vigueur, qu’elle ne peut plus produire de nouvelles recrues de bons, de riches, d’habiles fermiers ou directeurs en chef de [184] grandes exploitations productives. C’est ainsi que les mêmes taxes opérent encore par un autre moyen la dégradation de l’art productif. C’est ainsi qu’elles font diminuer la richesse et l’industrie dans la Classe cultivatrice, et qu’elles dégradent par conséquent le prix des terres, ou le loyer qu’en retirent les propriétaires fonciers.