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Page:Baudelaire - Œuvres posthumes, I, Conard, 1939.djvu/229

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Anniversaire de la naissance de Shakspeare


A M. le Rédacteur en chef du Figaro

Monsieur,

Il m’est arrivé plus d’une fois de lire le Figaro et de me sentir scandalisé par le sans-gêne de rapin qui forme, malheureusement, une partie du talent de vos collaborateurs. Pour tout dire, ce genre de littérature "frondeuse" qu’on appelle le "petit journal" n’a rien de bien divertissant pour moi et choque presque toujours mes instincts de justice et de pudeur. Cependant, toutes les fois qu’une grosse bêtise, une monstrueuse hypocrisie, une de celles que notre siècle produit avec une inépuisable abondance se dresse devant moi, tout de suite je comprends l’utilité du "petit journal". Ainsi, vous le voyez, je me donne presque tort, d’assez bonne grâce.

C’est pourquoi j’ai cru convenable de vous dénoncer une de ces énormités, une de ces cocasseries, avant qu’elle fasse sa définitive explosion.

Le 23 avril est la date où la Finlande elle-même doit, dit-on, célébrer le trois-centième anniversaire de la naissance de Shakspeare. J’ignore si la Finlande a quelque intérêt mystérieux à célébrer un poète qui n’est pas né chez elle, si elle a le désir de porter, à propos du poète-comédien anglais, quelque toast malicieux. Je comprends, à la rigueur, que les littérateurs de l’Europe entière veuillent s’associer dans un commun élan d’admiration pour un poète que sa