Page:Baudelaire - Œuvres posthumes 1908.djvu/229

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Le Scarabée d’or : analyse des moyens succes- sifs à employer pour deviner un cryptogramme, à l’aide duquel on peut découvrir un trésor enfoui. Je ne puis m’empècher de penser avec douleur que l’infortuné E. Poe a dû plus d’une fois rêver aux moyens de découvrir des trésors. Que l’explication de cette méthode, qui lait la curieuse et littéraire spécialité de certains secrétaires de police, est logique et lucide ! Que la description du trésor est belle, et comme on en reçoit une bonne sensation de chaleur et d’éblouissernentl Car on le trouve, le trésor ! Ce n’était point un rêve, comme il arrive généralement dans tous ces romans où l’auteur vous réveille brutalement après avoir excité votre esprit par des espérances apérilives ; cette fois, c’est un trésor vrai, et le déchiffreur l’a bien gag-né. En voici le compte exact : en monnaie, quatre cent cinquante mille dollars, pas un atome d’argent, tout en or, et d’une date très ancienne ; les pièces très grandes et très pesantes, inscriptions illisibles ; cent dix diamants, dix-huit rubis, trois cent dix émeraudes, vingt et un saphirs et une opale ; deux cents bagues et boucles d’ofeilles massives, une trentaine de chaînes, quatre-vingt-trois crucifix, cinq encensoirs, un énorme bol à punch en or avec feuilles de vigne et bacchantes, deux poignées d’é- pée, cent quatre-vingt-dix-sept montres ornées de pierreries. Le contenu du coffre est d’abord évalué à un million et demi de dollars, mais la vente des bijoux porte le total au delà. La description de ce trésor donne des vertiges de grandeur et des ambitions de bienfaisance. Il y avait, certes, dans le coffre enfoui par le pirate Kidol, de quoi soula- ger bien des désespoirs inconnus.