Page:Baudelaire - Œuvres posthumes 1908.djvu/255

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n’a point dépensé moins d’efforts que Balzac dans ce rêve caressé. Il est certain que les esprits spécialement littéraires font, quand ils s’y mettent de singulières chevauchées à travers la philosophie. Ils font des trouées soudaines, et ont de brusques échappées par des chemins qui sont bien à eux.

Pour me résumer, je dirai donc que les trois caractères des romanciers curieux sont : 1o une méthode privée ; 2o l’étonnant ; 3o la manie philosophique ; trois caractères qui constituent d’ailleurs leur supériorité. Le morceau d’Edgar Poe qu’on va lire est d’un raisonnement excessivement ténu parfois, d’autres fois obscur et de temps en temps singulièrement audacieux. Il faut en prendre son parti, et digérer la chose telle qu’elle est. Il faut surtout bien s’attacher à suivre le texte littéral. Certaines choses seraient devenues bien autrement obscures, si j’avais voulu paraphraser mon auteur, au lieu de me tenir servilement attaché à la lettre. J’ai préféré faire du français pénible et parfois baroque et donner dans toute sa vérité la technie philosophique d’Edgar Poe.

Il va sans dire que la Liberté de penser ne se déclare nullement complice des idées du romancier américain et qu’elle a cru simplement plaire à ses lecteurs en leur offrant cette haute curiosité scientifique.

On sait que Baudelaire, dans son inlassée poursuite de la perfection, remaniait et recorrigeait ses textes jusqu’à la dernière heure. Le lecteur, curieux des moindres variantes, devra donc se reporter, pour les traductions des ouvrages de Poe, aux collections des journaux où elles furent d’abord publiées. Pour nous, nous avons dû nous borner à reproduire les textes négligés par l’édition définitive, et la notice biographique, fort différente de celle qu’on trouve dans la collection de MM. Calmann-Lévy.