Page:Baudelaire - Œuvres posthumes 1908.djvu/301

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M. Sainte-Beuve, qui, dans tout son courageux article, ne cache pas trop la mauvaise humeur d’un vieil homme de lettres contre les princes, les grands seigneurs et les politiquailleurs, ne lâche cependant qu’à la fin l’écluse à toute sa bile concentrée : "Etre menacé de ne plus sortir d’une même nuance et bientôt d’une même famille, être destiné, si l’on vit encore vingt ans, à voir se vérifier ce mot de M. Dupin : "Dans vingt ans, vous aurez encore à l’Académie un discours doctrinaire" ; et cela, quand tout change et marche autour de nous ; — je n’y tiens plus, et je ne suis pas le seul ; plus d’un de mes confrères est comme moi ; c’est étouffant, à la longue, c’est suffocant !

"Et voilà pourquoi j’ai dit à tout le monde bien des choses que j’aurais mieux aimé pouvoir développer à l’intérieur devant quelques-uns. J’ai fait mon rapport au Public."

Et ailleurs : "Quelqu’un qui s’amuse à compter sur ses doigts ces sortes de choses a remarqué que si M. Dufaure avait consenti à la douce violence qu’on voulait lui faire, il eût été le dix-septième ministre de Louis-Philippe dans l’Institut, et le neuvième dans l’Académie française."

Tout l’article est un chef-d’œuvre plein de bonne humeur, de gaieté, de sagesse, de bon sens et d’ironie. Ceux qui ont l’honneur de connaître intimement l’auteur de Joseph Delorme et de Volupté savent apprécier en lui une faculté dont le public n’a pas la jouissance, nous voulons dire une conversation dont l’éloquence capricieuse, ardente, subtile, mais toujours raisonnable, n’a pas d’analogue, même chez les plus renommés causeurs. Eh bien ! toute cette éloquence familière est contenue ici.