Page:Baudelaire - Œuvres posthumes 1908.djvu/302

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Rien n’y manque, ni l’appréciation ironique des fausses célébrités, ni l’accent profond, convaincu, d’un écrivain qui voudrait relever l’honneur de la compagnie à laquelle il appartient. Tout y est, même l’utopie. M. Sainte-Beuve, pour chasser des élections le vague, si naturellement cher aux grands seigneurs, désire que l’Académie française, assimilée aux autres Académies, soit divisée en sections correspondant aux divers mérites littéraires : langue, théâtre, poésie, histoire, éloquence, roman (ce genre si moderne, si varié, auquel l’Académie a jusqu’ici accordé si peu de place), etc. Ainsi, dit-il, il sera possible de discuter, de vérifier les titres et de faire comprendre au public la légitimité d’un choix.

Hélas ! dans la très raisonnable utopie de M. Sainte-Beuve, il y a une vaste lacune, c’est la fameuse section du vague, et il est fort à craindre que ce volontaire oubli rende à tout jamais la réforme impraticable.

Le poète-journaliste nous donne, chemin faisant, dans son appréciation des mérites de quelques candidats les détails les plus plaisants. Nous apprenons, par exemple, que M. Cuvillier-Fleury, un critique "ingénieux à la sueur de son front, qui veut tout voir, même la littérature, par la lucarne de l’orléanisme, et qu’il ne faut jamais défier de faire une gaucherie, car il en fait même sans en être prié", ne manque jamais de dire en parlant de ses titres : "Le meilleur de mes ouvrages est en Angleterre." Pouah ! quelle odeur d’antichambre et de pédagogie ! Voulant louer M. Thiers, il l’a appelé un jour "un Marco-Saint-Hilaire éloquent". Admirable pavé d’ours ! "Il compte bien avoir pour