Page:Baudelaire - Œuvres posthumes 1908.djvu/343

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inconnu. Nous partions l’un et l’autre de l’obscurité, à la même époque, moi, pour chercher ma renommée dans la solitude, lui, sa gloire, parmi les hommes."

Ce contraste est-il vrai ? Ce parallèle n’est-il pas bien ambitieux ? Dans la solitude, vous cherchiez, vous aussi, la gloire parmi les hommes. Seulement, quel que soit l’éclat du talent littéraire, cet antagonisme de deux noms dans un siècle, ce duel de célébrité, affiché plus d’une fois, étonnera quelque peu l’avenir. Tite-Live ne se mettait pas en concurrence avec les grands capitaines de son Histoire. (Tribune moderne, page 37.)

Nous le disons avec regret, bien que M. de Fontanes ait été le premier ami et peut-être le seul ami du grand écrivain, plus jeune que lui de quinze années, il nous semble qu’il n’a pas obtenu en retour un souvenir assez affectueux, ni même assez juste. "M. de Fontanes, dit M. de Chateaubriand, a été, avec Chénier, le dernier écrivain de l’école classique de la branche aînée." Et aussitôt après : "Si quelque chose pouvait être antipathique à M. de Fontanes, c’était ma manière d’écrire. En moi commençait, avec l’école dite romantique, une révolution dans la littérature française. Toutefois, mon ami, au lieu de se révolter contre ma barbarie, se passionna pour elle. Il comprenait une langue qu’il ne parlait pas."

De quel Chénier s’occupe ici M. de Chateaubriand ? Ce n’est pas sans doute de Joseph Chénier. Le choix serait peu fondé ; la forme classique de Joseph Chénier, sa poésie, sa langue n’ont pas la pureté sévère et la grâce élégante de M. de Fontanes, et, par là même, le goût de Chénier était implacable, non seulement pour les défauts, mais pour les beautés de l’auteur d’Atala. Que s’il s’agit, au contraire, d’André Chénier, une des admirations de jeunesse qu’avait gardées M. de Fontanes, bien que lui-même fût un imitateur plus timide de l’antiquité, nous n’hésitons pas à dire que l’auteur de la Chartreuse, du Jour des Morts, des vers sur l’Eucharistie,