Page:Baudelaire - Œuvres posthumes 1908.djvu/369

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domaine substitué, mais il laissa les bâtiments s’écrouler ; il ne voulut pas qu’on cultivât les champs ; il coupa les bois ; il vendit les bestiaux au plus vil prix. Grâce à ces rancuneuses folies, le jçrand poète se trouva impliqué dans ces continuels embarras financiers qui influèrent plus tard sur son honneur et sur son existence.

Parmi les orig’inaux illustres, on doit mentionner Edouard Montagne, le Dis de la célèbre voyageuse dont les lettres sont si connues. Tel était le goût de cet enfant pour une vie aventureuse qu’à l’âge de quinze ans il avait trois fois déserté la maison de son père. Ambassadeur, allié aux premières familles britanniques, il avait été se mettre aux gages d’un vigneron d’Oporto ; il s’était embarqué comme simple matelot. Sa mère ne lui légua qu’une guinée. Il voyagea beaucoup ; il apprit l’arabe, l’hébreu, le persan ; il se maria, dit-on, en cinq ou six endroits différents ; il alla mourir à Venise, où il paraissait avoir embrassé le culte de Mahomet, se conformant à toutes les pratiques que recommande le Coran. 11 portait, chose alors sans exemple, une barbe qui lui venait à la ceinture ; un os de perdrix l’étrangla, en 1767, au moment où il se préparait à aller en pèlerinage à la Mecque.

Lord Baltimore ne professa pas les dogmes de l’islamisme, mais il adopta sur un point bien délicat les idées des Orientaux ; il se fit construire un harem en tout point semblable à l’un des plus somptueux que renferme Constanlinople ; il le remplit de beautés qu’il n’envoya point acheter en Circassie, et qu’il soumit à la clôture la plus sévère. La chose fit grand bruit ; elle parut dépasser les limites de l’excentricité. Contraint de congédier son