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Page:Baudelaire - Œuvres posthumes 1908.djvu/71

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POÉSIES APOCRYPHES


LA BALLADE DU NOYÉ (l)

C’est au fond, tout au fond du fleuve,
Que ma carcasse, à la fin veuve
De son âme, tranquillement,
Au pied d’une estacade neuve,
Se décompose en ce moment.

A moitié couverte de bourbe,
Trouée en tous sens par la tourbe
Des larves et des vers puants,
Parfois étreinte par la courbe
D’une anguille aux anneaux gluants

Leur cohue innombrable grouille
Dans mes entrailles qu’elle fouille
Avec des mouvements joyeux.
Et souvent une grenouille
Me regarde avec ses gros yeux.

Dans l’eau verte, la perche passe
Avec la tanche rose et grasse


(i) Texte communiqué sans indication d’origine.