Page:Baudelaire - Œuvres posthumes 1908.djvu/74

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Et l’odeur de la mort nous montait à la tête, Pénétrant, acre, en nos cerveaux...

J’entourai de mon bras sa taille bien-aimèe,

Aussi flexible que les joncs. Et vers moi se pencha sa tête parfumée

Qui m’inonda de cheveux blonds :

Regarde, dis-je alors, comme en cette carcasse.

En ce chien mort liquéfié. Un monde tout entier vit, va, pas se et repasse

Multicolore et varié !

Dans ces orbites creux, entre ces crocs fétides,

Vois, par ce printemps radieux, Les rendez-vous d’amour des cloportes avides

Et des charançons noirs et bleus !

Les mouches à charbon, lustrant leurs fines ailes,

Pompent à deux les boyaux mous ; Reg-arde, les vois-tu^ mâles avec femelles?

C’est partout l’amour.. . Aimons-nous !...

Ma beauté reg-arda les insectes sans nombre,

Rougit et baissa ses yeux bleus, Et, cherchant le mystère, au fond du grand bois sombre

Nous disparûmes tous les deux.


INCONSCIENTE (l)

pour Jules Viard .

Rien n’a vibré, dis-tu. Sous ta mamelle gauche

{i)Nous avons eu entre les mains une copie de ce sonnet attribué par son possesseur à Baudelaire. Ce dernier avait connu Jules Viard vers i848. V. aussi les lettres, lettre à E, Rouillon (Malas- is). mars i865.