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Page:Baudelaire - Curiosités esthétiques 1868.djvu/101

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tout par l’ensemble et les masses ; mais bien le dessin du détail, le contour du petit morceau, où la touche mangera toujours la ligne.

L’amour de l’air, le choix des sujets à mouvement, veulent l’usage des lignes flottantes et noyées.

Les dessinateurs exclusifs agissent selon un procédé inverse et pourtant analogue. Attentifs à suivre et à surprendre la ligne dans ses ondulations les plus secrètes, ils n’ont pas le temps de voir l’air et la lumière, c’est-à-dire leurs effets, et s’efforcent même de ne pas les voir, pour ne pas nuire au principe de leur école.

On peut donc être à la fois coloriste et dessinateur, mais dans un certain sens. De même qu’un dessinateur peut être coloriste par les grandes masses, de même un coloriste peut être dessinateur par une logique complète de l’ensemble des lignes ; mais l’une de ces qualités absorbe toujours le détail de l’autre.

Les coloristes dessinent comme la nature ; leurs figures sont naturellement délimitées par la lutte harmonieuse des masses colorées.

Les purs dessinateurs sont des philosophes et des abstracteurs de quintessence.

Les coloristes sont des poëtes épiques.