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Page:Baudelaire - Curiosités esthétiques 1868.djvu/214

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lorsque son génie se trouve aux prises avec les appas d’une jeune beauté. Les muscles, les plis de la chair, les ombres des fossettes, les ondulations montueuses de la peau, rien n’y manque. Si l’île de Cythère commandait un tableau à M. Ingres, à coup sûr il ne serait pas folâtre et riant comme celui de Watteau, mais robuste et nourrissant comme l’amour antique [1].

Nous avons revu avec plaisir les trois petits tableaux de M. Delaroche, Richelieu, Mazarin et l’Assassinat du duc de Guise. Ce sont des œuvres charmantes dans les régions moyennes du talent et du bon goût. Pourquoi donc M. Delaroche a-t-il la maladie des grands tableaux ? Hélas ! c’en est toujours des petits ; — une goutte d’essence dans un tonneau.

M. Cogniet a pris la meilleure place de la salle ; il y a mis son Tintoret. — M. Ary Scheffer est un homme d’un talent éminent, ou plutôt une heureuse imagination, mais qui a trop varié sa manière pour en avoir une bonne ; c’est un poëte sentimental qui salit des toiles.

Nous n’avons rien vu de M. Delacroix, et nous croyons que c’est une raison de plus pour en parler. — Nous, cœur d’honnête homme, nous croyions naïvement que si MM. les commissaires n’avaient pas associé le chef

  1. Il y a dans le dessin de M. Ingres des recherches d’un goût particulier, des finesses extrêmes, dues peut-être à des moyens singuliers. Par exemple, nous ne serions pas étonné qu’il se fût servi d’une négresse pour accuser plus vigoureusement dans l’Odalisque certains développements et certaines sveltesses.