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Page:Baudelaire - Curiosités esthétiques 1868.djvu/288

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et sans coquetterie féminine, tout ce sexe réduit à la discipline comme le soldat, et dont le visage brille tristement des pâleurs rosées de la virginité consacrée, donnent la sensation de l’éternel, de l’invariable, du devoir agréable dans sa monotonie. J’ai éprouvé, en étudiant cette toile peinte avec une touche large et simple comme le sujet, ce je ne sais quoi que jettent dans l’âme certains Lesueur et les meilleurs Philippe de Champagne, ceux qui expriment les habitudes monastiques. Si, parmi les personnes qui me lisent, quelques-unes voulaient chercher ces tableaux, je crois bon de les avertir qu’elles les trouveront au bout de la galerie, dans la partie gauche du bâtiment, au fond d’un vaste salon carré où l’on a interné une multitude de toiles innommables, soi-disant religieuses pour la plupart. L’aspect de ce salon est si froid que les promeneurs y sont plus rares, comme dans un coin de jardin que le soleil ne visite pas. C’est dans ce capharnaüm de faux ex-voto, dans cette immense voie lactée de plâtreuses sottises, qu’ont été reléguées ces deux modestes toiles.

L’imagination de Delacroix ! Celle-là n’a jamais craint d’escalader les hauteurs difficiles de la religion ; le ciel lui appartient, comme l’enfer, comme la guerre, comme l’Olympe, comme la volupté. Voilà bien le type du peintre-poëte ! Il est bien un des rares élus, et l’étendue de son esprit comprend la religion dans son domaine. Son imagination, ardente comme les chapelles ardentes, brille de toutes les flammes et de toutes les pourpres. Tout ce qu’il y a de douleur dans