Page:Baudelaire - Curiosités esthétiques 1868.djvu/410

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lieu de ses instruments émancipateurs, de son matériel d’imprimerie, un ouvrier typographe, coiffé sur l’oreille du sacramentel bonnet de papier, les manches de chemise retroussées, carrément campé, établi solidement sur ses grands pieds, ferme les deux poings et fronce les sourcils. Tout cet homme est musclé et charpenté comme les figures des grands maîtres. Dans le fond, l’éternel Philippe et ses sergents de ville. Ils n’osent pas venir s’y frotter.

Mais notre grand artiste a fait des choses bien diverses. Je vais décrire quelques-unes des planches les plus frappantes, empruntées à des genres différents. J’analyserai ensuite la valeur philosophique et artistique de ce singulier homme, et à la fin, avant de me séparer de lui je donnerai la liste des différentes séries et catégories de son œuvre ou du moins je ferai pour le mieux, car actuellement son œuvre est un labyrinthe, une forêt d’une abondance inextricable.

Le Dernier Bain, caricature sérieuse et lamentable. — Sur le parapet d’un quai, debout et déjà penché, faisant un angle aigu avec la base d’où il se détache comme une statue qui perd son équilibre, un homme se laisse tomber roide dans la rivière. Il faut qu’il soit bien décidé ; ses bras sont tranquillement croisés ; un fort gros pavé est attaché à son cou avec une corde. Il a bien juré de n’en pas réchapper. Ce n’est pas un suicide de poëte qui veut être repêché et faire parler de lui. C’est la redingote chétive et grimaçante qu’il faut voir, sous laquelle tous les os font saillie ! Et la cravate