dépassant pas encore le monde des artistes. M. Corot, du fond de sa modestie, a agi sur une foule d’esprits. — Les uns se sont appliqués à choisir dans la nature les motifs, les sites, les couleurs qu’il affectionne, à choyer les mêmes sujets ; d’autres ont essayé même de pasticher sa gaucherie. — Or, à propos de cette prétendue gaucherie de M. Corot, il nous semble qu’il y a ici un petit préjugé à relever. — Tous les demi-savants, après avoir consciencieusement admiré un tableau de Corot, et lui avoir loyalement payé leur tribut d’éloges, trouvent que cela pèche par l’exécution, et s’accordent en ceci, que définitivement M. Corot ne sait pas peindre. — Braves gens ! qui ignorent d’abord qu’une œuvre de génie — ou si l’on veut — une œuvre d’âme — où tout est bien vu, bien observé, bien compris, bien imaginé — est toujours très-bien exécutée, quand elle l’est suffisamment — Ensuite — qu’il y a une grande différence entre un morceau fait et un morceau fini — qu’en général ce qui est fait n’est pas fini, et qu’une chose très-finie peut n’être pas faite du tout — que la valeur d’une touche spirituelle, importante et bien placée est énorme…, etc…, d’où il suit que M. Corot peint comme les grands maîtres. — Nous n’en voulons d’autre exemple que son tableau de l’année dernière — dont l’impression était encore plus tendre et mélancolique que d’habitude. — Cette verte campagne où était assise une femme jouant du violon — cette nappe de soleil au second plan, éclairant le gazon et le colorant d’une manière différente que le
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