lité de son génie jette dans une bataille perpétuelle.
Ai-je besoin de vous dire que le même esprit de sagesse ferme et méprisante inspirait les opinions de M. Delacroix en matière politique ? Il croyait que rien ne change, bien que tout ait l’air de changer, et que certaines époques climatériques, dans l’histoire des peuples, ramènent invariablement des phénomènes analogues. En somme, sa pensée, en ces sortes de choses, approximait beaucoup, surtout par ses côtés de froide et désolante résignation, la pensée d’un historien dont je fais pour ma part un cas tout particulier, et que vous-même, monsieur, si parfaitement rompu à ces thèses, et qui savez estimer le talent, même quand il vous contredit, vous avez été, j’en suis sûr, contraint d’admirer plus d’une fois. Je veux parler de M. Ferrari, le subtil et savant auteur de l’Histoire de la raison d’État. Aussi, le causeur qui, devant M. Delacroix, s’abandonnait aux enthousiasmes enfantins de l’utopie avait bientôt à subir l’effet de son rire amer, imprégné d’une pitié sarcastique ; et si, imprudemment, on lançait devant lui la grande chimère des temps modernes, le ballon-monstre de la perfectibilité et du progrès indéfinis, volontiers il vous demandait : "Où sont donc vos Phidias ? où sont vos Raphaël ? »
Croyez bien cependant que ce dur bon sens n’enlevait aucune grâce à M. Delacroix. Cette verve d’incrédulité et ce refus d’être dupe assaisonnaient, comme un sel byronien, sa conversation si poétique et si colorée. Il tirait aussi de lui-même bien plus qu’il ne