Page:Baudelaire - Lettres 1841-1866.djvu/144

La bibliothèque libre.
Aller à la navigation Aller à la recherche
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

j’emporte le parfum de vos bras et de vos cheveux, j’emporte aussi le désir d’y revenir. Et alors quelle insupportable obsession !

Décidément, je porte ceci moi-même rue J.-J.-Rousseau, dans la crainte que vous n’y alliez aujourd’hui. — Cela y sera plus tôt.


A ARMAND FRAISSE


… Vous sentez la poésie en véritable dilettantiste. C’est comme cela qu’il faut sentir.

Par le mot que je souligne, vous pouvez deviner que j’ai éprouvé quelque surprise à voir votre admiration pour de Musset.

Excepté à l’âge de la première communion, c’est à dire à l’âge où tout ce qui a trait aux filles publiques et aux échelles de soie fait l’effet d’une religion, je n’ai jamais pu souffrir ce maître des gandins, son impudence d’enfant gâté qui invoque le ciel et l’enfer pour des aventures de table d’hôte, son torrent bourbeux de fautes de grammaire et de prosodie, enfin son impuissance totale à comprendre le travail par lequel une rêverie devient un objet d’art. Vous arriverez un jour à ne raffoler que de la perfection, et vous mépriserez toutes ces effusions de l’ignorance.

Je vous demande pardon de parler de certaines choses si vivement ; le décousu, la banalité et la négligence m’ont toujours causé des irritations peut-être trop vives.