Page:Baudelaire - Lettres 1841-1866.djvu/232

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et que cela avait été imprimé dans les journaux même dans Le Moniteur.

Je dois dire qu’il ne se cache en aucune façon de son respect pour toutes les superstitions, mais il les explique mal, et il voit de la cabale partout.

Il m’a fait remarquer, dans une autre de ses planches, que l’ombre portée par une des maçonneries du Pont-Neuf sur la muraille latérale du quai représentait exactement le profil d’un sphinx ; — que cela avait été, de sa part, tout à fait involontaire, et qu’il n’avait remarqué cette singularité que plus tard, en se rappelant que ce dessin avait été fait peu de temps avant le Coup d’État. Or, le Prince est l’être actuel qui, par ses actes et son visage, ressemble le plus à un sphinx.

Il m’a demandé si j’avais lu les nouvelles d’un certain Edgar Poe. Je lui ai répondu que je les connaissais mieux que personne, et pour cause. Il m’a demandé alors, d’un ton très accentué, si je croyais à la réalité de cet Edgar Poe. Moi, je lui ai demandé naturellement à qui il attribuait toutes ses nouvelles. Il m’a répondu : A une Société de littérateurs très habiles, très puissants, et au courant de tout. Et voici une de ses raisons : La Rue Morgue. J’ai fait un dessin de la Morgue. — Un Orang-outang. On m’a souvent comparé à un singe. — Ce singe assassine deux femmes, la mère et sa fille. Et moi aussi j’ai assassiné moralement deux femmes, la mère et sa fille. — J’ai toujours pris le roman pour une allusion à mes malheurs. Vous me feriez bien plaisir si vous pouviez me retrou