Page:Baudelaire - Lettres 1841-1866.djvu/25

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un mot qui vous démontrât la nécessité d’une avance, vous la feriez sans doute. Voilà qui est singulier et pas sablement humiliant pour moi : par quelle fenêtre voulez-vous donc qu’on jette l’argent, dans une petite ville, où le travail est le seul remède de l’ennui ? J’ignore ce que Jeanne fera, et si l’envie de sortir de cet hôtel lui fera faire une chose que je regarde comme inconvenante, mais je vous répète qu’en comptant avec moi 200 fr. pour Janvier, que je n’ai pas reçus, et 200 pour Février, vous ne faites aucune avance, vous ne commettez aucune complaisance, vous ne sortez pas de nos conventions. Si vous saviez quelle fatigue c’est pour moi de revenir sans cesse sur ces maudites questions d’argent ! Cela finira sans doute.

Vous avez dit encore à Jeanne bien d’autres choses, mais je n’ai plus le courage de vous faire des reproches. Vous êtes un grand enfant. Cependant, je vous ai suffisamment souvent reproché votre sentimentalisme et démontré l’inutilité de votre attendrissement à l’endroit de ma mère. Laissez à tout jamais cela de côté, et, si j’ai quelque chose de cassé dans l’esprit à cet endroit, plaignez-moi et laissez-moi tranquille. Ainsi que Jeanne. Il y a encore bien d’autres choses, mais passons. Seulement, je vous en prie, si vous avez, par hasard, plus tard, quelque occasion de revoir Mlle Lemer, ne jouez plus avec elle, ne parlez plus tant, et soyez plus grave. J’ai pris depuis longtemps l’habitude de vous dire nettement tout ce que je pense ; ainsi, il ne faut pas m’en vouloir pour cela.