Page:Baudelaire - Lettres 1841-1866.djvu/28

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vous en feriez un emploi légitime, sur les explications que je vous enverrais.

Permettez-moi, avant de fermer cette lettre, d’ajouter quelques mots qui ont peu de rapports avec ce qui précède, mais je profite de l’occasion pour vous dire tout ce que j’ai sur le cœur. Aussi bien, je ne vous verrai probablement pas de quelques mois. Cela sera encore un bon résultat, mais, comme je vous le dis, je profite de l’occasion pour tout vous dire.

La situation dans laquelle vous êtes, vis à vis de moi, est singulière. Elle n’est pas seulement légale, elle est, pour ainsi dire, aussi de sentiment. Il est impossible que vous ne le sachiez pas. Quant à moi, qui suis peu sentimental, je n’ai pas pu échapper à cette vérité. La sombre solitude que j’ai faite autour de moi, et qui ne m’a lié à Jeanne que plus étroitement, a aussi accoutumé mon esprit à vous considérer comme quelque chose d’important dans ma vie. J’arrive au fait. Si telle est, inévitablement, votre condition vis à vis de moi, que signifie souvent cette inintelligence singulière de mes intérêts ? Que signifie cette partialité au profit de ma mère que vous savez coupable ? Que signifient souvent… vos maximes égoïstiques ? Il est bien vrai que je vous l’ai bien rendu, mais tout cela n’est pas raisonnable. Il faut que nos rapports s’améliorent. Cette longue absence ne sera pas mauvaise dans ce but. D’ailleurs, à tout péché miséricorde, ce que vous savez que je traduis ainsi : il n’y a rien d’irréparable.