Page:Baudelaire - Lettres 1841-1866.djvu/403

La bibliothèque libre.
Aller à la navigation Aller à la recherche
Cette page n’a pas encore été corrigée

Présentez à votre mari mes souhaits de bonne année.

A MADAME AUPICK

3 Janvier.

Ma chère mère,

Je n’ai pas besoin de la solennité de ce jour, si triste entre tous les jours de l’année, pour penser à toi, et pour penser à mes devoirs et à toutes les responsabilités que j’ai accumulées sur moi depuis tant d’années. Mon principal devoir, mon unique même, serait de te rendre heureuse. J’y pense sans cesse. Cela me sera-t-il jamais permis ? Je pense quelquefois, avec un frisson, que Dieu peut me retirer brusquement cette possibilité. Je te promets d’abord que cette année… Je rougis quand je pense à toutes les privations que j’ai dû t’imposer. Je te promets aussi qu’aucune journée de l’année ne s’écoulera sans travail. Infailliblement, la récompense doit être au bout. J’ai l’esprit rempli d’idées funèbres. Comme il est difficile de faire son devoir tous les jours, sans interruption aucune ! Comme il est difficile, non pas de penser un livre, mais de l’écrire sans lassitude ; enfin, d’avoir du courage, tous les jours ! J’ai calculé que tout ce que j’ai depuis longtemps dans la tête ne m’aurait coûté que quinze mois de travail, si j’avais travaillé assidûment. Combien de fois me suis-je dit, malgré mes nerfs, malgré les mauvais temps, mal-