Page:Baudelaire - Lettres 1841-1866.djvu/404

La bibliothèque libre.
Aller à la navigation Aller à la recherche
Cette page n’a pas encore été corrigée

400 CHARLES BAUDELAIRE

gré les créanciers, malgré l’ennui de la solitude : Voyons, courage…! Le résultat fructueux vien- dra peut-être… Combien de fois Dieu m’a-t-il fait déjà crédit de quinze mois ! et pourtant j’ai in- terrompu souvent, trop souvent, jusqu’à présent l’exécution de tous mes projets. Aurai-je le temps (en supposant que j’aie le courage) de réparer tout ce que j’ai à réparer ! Si j’étais sûr au moins d’avoir cinq à six ans devant moi ! Mais qui peut être sûr de cela ? C’est là pour moi, maintenant, une idée fixe, l’idée de la mort, non pas accom- pagnée de terreurs niaises, — j’ai tant souffert déjà et j’ai été si puni que je crois que beaucoup de choses peuvent m’être pardonnées, — mais cepen- dant haïssable, parce qu’elle mettrait tous mes pro- jets à néant, et parce que je n’ai pas exécuté encore le tiers de ce que j’ai à faire en ce monde. Tu as deviné sans doute ma terreur de traverser Paris sans argent, de rester à Paris, mon enfer, six ou sept jours seulement, sans offrir des garan- ties certaines à quelques créanciers. Mon exil m’a appris à me passer de toutes les distractions pos- sibles. Il me manque l’énergie nécessaire pour le travail noninterrompu.Ouandje l’aurai, je serai fier et plus tranquille. J’ai bon espoir. Tu sais tout ce que j’ai à publier. Hélas ! que de choses en retard !…

4