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4o4 CHAULES BAUDELAIRE

S’il était question d’art, oui, vous auriez raison de dire de Proudhon : // est fou ; mais, en matière d’é- conomie, il me paraît singulièrement respectable.

Je ne vois qu’une seule manière de mettre à néant les utopies, les idées, les paradoxes et les prophé- ties de Proudhon sur la rente et sur la propriété, c’est de prouver péremptoirement (l’a-t-on fait ? je ne suis pas érudit en ces choses) que les peuples s’enrichissent en s’endettant. Yous êtes plus finan- cier que moi ; vous devez savoir si cette thèse a été soutenue.

Vous me félicitez sur ma santé. Depuis huitjours, je souffre en diable. J’ai eu, alternativement, les deux yeux bouchés par le rhume, la névralgie ou le rhumatisme. J’avais débuté, comme vous savez, parquatre mois de dérangements d’estomac et d’in- testins. En Aoiit et en Septembre, il y a eu ici un petit peu de lumière et de chaleur ; alors, je me suis bien porté. Mais, depuis deux mois,je suis pris, géné- ralement à minuit, par la fièvre. Les longues heures s’écoulent dans un tressaillement et un froid con- tinus ; enfin, le matin, je m’endors de fatigue, n’ayant pas pu profiter de mon insomnie pour tra- vailler, et je me réveille tard, dans une affreuse transpiration, très fatigué d’avoir dormi. Depuis huitjours surtout, il y a eu surcroît de douleur. Et vous savez qu’il n’y a pas de bravoure possible, si ce n’est la passive, dans la douleur. C’est une par- faite abdication de la volonté.

Dans ces conditions, je vous prie de me per- mettre de renoncer à mon projet d’économie, du