LETTRES — l865 409
d’un enfant. C’était trop tôt. Je sens la migraine qui me reprend.
J’ai passé en revue, il y a peu de jours, un paquet de lettres de Proudhon fort curieuses, adressées à des amis de Belgique. Théophile Thoré (vous vous souvenez de lui, celui qui signe, depuis quel- ques années, William Bûrger) est venu me voir, il y a quelque temps. Nous ne nous étions pas vus depuis vingt ans, ou peu s’en faut. J’ai éprouvé, à le revoir, un immense plaisir. Du reste, je suis en humeur de trouver du génie à tous les Français. Thoré, quoique républicain, a toujours eu des mœurs élégantes. Il me racontait qu’il avait fait une fois un voyage avec Proudhon, mais qu’il avait été obligé d’abandonner celui-ci, à cause du dégoûtque lui inspirait à lui, Thoré, l’affectation rustique de Proudhon, affectation de grossièreté en toutes choses, impertinence de paysan. — Ainsi, on peut être à la fois un bel esprit et un rustre, — comme on peut en même temps posséder un génie spécial et être un sot. Victor Hugo nous l’a bien prouvé. — A propos, ce dernier va venir habiter Bruxelles. Il a acheté une maison, dans le quartiei^Léopold. Il paraît que lui et l’Océan se sont brouillés. Ou il n’a pas eu la force de supporter l’Océan, ou l’Océan lui-même s’est ennuyé de lui. — C’était bien la peine d’arranger soigneusement un palais sur un rocher ! Quant à moi.seul, oublié de tout le monde, je ne vendrai la maisonnette de ma mère qu’à la dernière extrémité. — Mais j’ai encore plus d’or- gueil que Victor Hugo, et je sens, je sais que je