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CHARLES BAUDELAIRE

A propos de Malassis, je vous dirai que je suis émerveillé de son courage, de son activité et de son incorrig-ible gaieté. Ilest arrivé à une érudition fort étonnante, en fait de livres et de gravures. Tout l’amuse, et tout l’instruit. — Un de nos grands amusements, c’est quand il s’applique à faire l’athée, et quand je m’ingénie à faire le jésuite. Vous savez que je peux devenir dévot par contra- diction (surtout ici), de même que, pour me rendre impie, il suffirait de me mettre en contact avec un curé souillon (souillon de corps et d’âme). — Quant à la publication de quelques livres badins qu’il s’est amusé à corriger avec la même religion qu’il aurait mise au service de Bossuet ou de Loyola, j’en ai même tiré un petit, petit,bénéfice inattendu, c’est une intelligence plus nette de la Révolution française. Quand les gens s’amusent de certaine façon, c’est un bon diagnostic de révolution.

Alexandre Dumas vient de nous quitter. Ce brave homme est venu s’exhiber, avec sa candeur ordi- naire. Tout en faisant la queue autour de lui, pour attraper une poignée de main, les Belges se sont moqués de lui. Cela est ignoble. Un homme peut être respectable pour sa vitalité. Vitahté de nègre, c’est vrai. Mais je crois que bien d’autres que moi, amoureux du sérieux, ont été entraînés par Za Dame de Montsoreau et par Balsamo.

Comme je suis fort impatient de revenir en France, j’ai écrit à Julien Lemer pour le charger de mes petites affaires. Je voudrais rassembler, en trois ou quatre volumes, les meilleurs de mes articles sur les