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A JULES TROUBAT
Lundi, 5 Mars 1866.

Mon cher Troubat,

Je crois que j’ai oublié de vous remercier de votre lettre du 20 Février. — J’ai reçu de M. Lemerre deux des trois numéros de L’Art contenant l’article qui me concernait. L’oubli du premier numéro ne vaut pas que vous le dérangiez. J’ai parcouru ces deux journaux. Ces jeunes gens ne manquent pas certes de talent, mais que de folies ! que d’inexactitudes ! quelles exagérations ! quel manque de précision ! Pour dire la vérité, ils me font une peur de chien. Je n’aime rien tant que d’être seul.

Je persiste dans mon idée de faire un bloc de mes six volumes. Je suivrai le conseil de Sainte-Beuve ; j’irai moi-même tâter la fortune à Paris, dans une vingtaine de jours. Je verrai peut-être ce M. Lemerre, mais je ne lui parlerai qu’avec beaucoup de discrétion, et seulement de quelques mignonnes brochures, principaux extraits des trois volumes de Variétés critiques, brochures que je conçois faites dans le système de la Bibliothèque originale. Mais cela n’est pour moi qu’un horrible pis aller, pour le cas où je ne pourrais pas imposer ces Variétés en même temps que Les Fleurs du Mal, Le Spleen de Paris et La Belgique déshabillée. Ah !Le Spleen, quelles colères, et quel labeur il m’a causés ! Et je reste mécontent de certaines parties.