Page:Baudelaire - Lettres 1841-1866.djvu/55

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En formant la résolution de vous demander un peu d’argent, j’ai dû foniller dans mes petits papiers, pour voir ce que je vous devais déjà. Je trouve le chiffre 36. Si je me trompe, vous me le direz, et je présume que vous me le direz vous-même, car Champfleury m’a dit hier que vous viendriez nous voir en Janvier.

Il m’est impossible de vous raconter tous les très réels malheurs qui se sont introduits cette année dans ma vie, par ma faute et sans ma faute. Année stérile. Tout ce poème grotesque ne vous regarde pas et ne vous intéresserait pas. Vous vivez maintenant si calme ! Ma vie, à moi, vous le devinez, sera toujours faite de colères, de morts, d’outrages, et surtout de mécontentement de moi-même. Ce langage, je vous l’assure., n’est pas trop emphatique, je vous écris sans aucune surexcitation nerveuse. — Tout ce que je sais, tout ce que je sens, c’est que je viens de perdre, par suite d’une série de mésaventures où ma sottise a sa part, une année entière, et que J’AI FAIRE quatre volâmes et trois comédies ; — que ces œuvres ne sont pas faites, absolument du moins ; — que j’ai reçu de l’argent sur plusieurs d’entre elles, — et que je n’ai pas le sol pour travailler, non pas quinze jours, mais même un jour. Vous ne trou- verez pas étonnant que j’aie pensé à vous qui avez été si charmant avec moi, — et toujours.

POST-SCRIPTUM — AVEC OU SANS argent, répondez-moi tout de suite ; mais surtout, mon ami, pas