sans pudeur désormais, se supposant devant un lecteur indulgent, à quinze ou vingt ans au-delà de l’époque présente ; et voulant simplement, avant tout, établir un mémoire d’une période désastreuse, il le fait avec tout l’effort dont il est encore capable aujourd’hui, ne sachant trop si plus tard il en trouvera la force ou l’occasion.
Mais pourquoi, lui dira-t-on, ne pas vous être affranchi des horreurs de l’opium, soit en l’abandonnant, soit en diminuant les doses ? Il a fait de longs et douloureux efforts pour réduire la quantité ; mais ceux qui furent témoins de ces lamentables batailles, de ces agonies successives, furent les premiers à le supplier d’y renoncer. Pourquoi n’avoir pas diminué la dose d’une goutte par jour, ou n’en avoir pas atténué la puissance par une addition d’eau ? Il a calculé qu’il lui aurait fallu plusieurs années pour obtenir par ce moyen une victoire incertaine. D’ailleurs tous les amateurs d’opium savent qu’avant de parvenir à un certain degré on peut toujours réduire la dose sans difficulté, et même avec plaisir, mais que, cette dose une fois dépassée, toute déduction cause des douleurs intenses. Mais pourquoi ne pas consentir à un abattement momentané, de quelques jours ? Il n’y a pas d’abattement ; ce n’est pas en cela que consiste la douleur. La diminution de l’opium augmente, au contraire, la vitalité ; le pouls est meilleur ; la santé se perfectionne ; mais il en résulte une effroyable irritation de l’estomac, accompagnée de sueurs abondantes et d’une sensation de malaise général, qui naît du manque d’équilibre