Page:Baudelaire - Petits poèmes en prose 1868.djvu/330

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aux enfants dans les longues et solennelles soirées d’hiver, avait fortement contribué à unir ces deux idées dans son imagination. Cette jeune fille, qui connaissait l’Orient, leur en expliquait les climats, ainsi que les nombreuses nuances des étés qui les composent. C’était sous un climat oriental, dans un de ces pays qui semblent gratifiés d’un été éternel, qu’un juste, qui était plus qu’un homme, avait subi sa passion. C’était évidemment en été que les disciples arrachaient les épis de blé. Le dimanche des Rameaux, Palm Sunday, ne fournissait-il pas aussi un aliment à cette rêverie ? Sunday, ce jour du repos, image d’un repos plus profond, inaccessible au cœur de l’homme ; palm, palme, un mot impliquant à la fois les pompes de la vie et celles de la nature estivale ! Le plus grand événement de Jérusalem était proche quand arriva le dimanche des Rameaux ; et le lieu de l’action, que cette fête rappelle, était voisin de Jérusalem. Jérusalem, qui a passé, comme Delphes, pour le nombril ou centre de la terre, peut au moins passer pour le centre de la mortalité. Car si c’est là que la Mort a été foulée aux pieds, c’est là aussi qu’elle a ouvert son plus sinistre cratère.

Ce fut donc en face d’un magnifique été débordant cruellement dans la chambre mortuaire, qu’il vint, pour la dernière fois, contempler les traits de la défunte chérie. Il avait entendu dire dans la maison que ses traits n’avaient pas été altérés par la mort. Le front était bien le même, mais les paupières glacées,