Page:Baudelaire Les Fleurs du Mal.djvu/46

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l’Histoire de la littérature anglaise, ce paragraphe si ferme et si judicieux, où les choses sont remises sous leur vrai jour par le grand critique, qui fut à ses commencements un grand poëte, et l’est toujours. « Mais, à propos de Boileau, puis-je donc accepter ce jugement étrange d’un homme d’esprit, cette opinion méprisante que M. Taine en la citant prend à son compte, et ne craint pas d’endosser en passant : « il y a deux sortes de vers dans Boileau : les plus nombreux, qui semblent d’un bon élève de troisième ; les moins nombreux, qui semblent d’un bon élève de rhétorique ? » L’homme d’esprit qui parle ainsi (M. Guillaume Guizot) ne sent pas Boileau poëte, et, j’irai plus loin, il ne doit sentir aucun poëte en tant que poëte. Je conçois qu’on ne mette pas toute la poésie dans le métier ; mais je ne conçois pas du tout que, quand il s’agit d’un art, on ne tienne nul compte de l’art lui-même, et qu’on déprécie à ce point les parfaits ouvriers qui y excellent. Supprimez d’un seul coup toute la poésie en vers, ce sera plus expéditif ; sinon, parlez avec estime de ceux qui en ont possédé les secrets. Boileau était du petit nombre de ceux-là ; Pope également. »

On ne saurait mieux dire ni plus juste. Quand il s’agit d’un poëte, la facture de ses vers est chose considérable et vaut qu’on l’étudie, car elle constitue une grande partie de sa valeur intrinsèque. C’est avec ce coin qu’il frappe son or, son argent ou son cuivre. Le vers de Baudelaire, qui accepte les principales améliorations ou réformes romantiques, telles que la rime riche, la mobilité facultative de la césure, le rejet, l’enjambement, l’emploi du mot propre ou technique, le rhythme ferme et plein, la coulée d’un seul jet du grand alexandrin, tout le savant mécanisme de prosodie et de coupe dans la stance et la strophe, a cependant son architectonique particulière, ses formules individuelles, sa struc-