Aller au contenu

Page:Baudoin - Jolis péchés des nymphes du Palais-Royal, 1882.djvu/33

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
27
DES NYMPHES

travailler dans le vieux, parce que tous ces petits morveux de greluchons n’ont jamais le sou. Enfin, je commencions à m’arrondir joliment quand un bambocheur de fourrier de la légion du Loiret me fit la queue d’une manière tout à fait mousseuse, et me mangea en un instant le produit de trois mois d’économies gagnées à la sueur de mon front. Je n’avais plus que la rue de la Bibliothèque pour toute ressource ; je fis donc quelques affaires sur le ruisseau, l’hiver, avec un gueux entre les genoux ; je grelottais en attendant le chaland, si bien que, n’y pouvant plus tenir, je compromis ma dignité avec des portefaix et des ramoneurs, et j’en suis toute repentante…

Ici Manon se mit à pleurnicher comme une vraie bête, ce qui fit beaucoup rire la junte érotique : cette actrice grotesque voulait encore ajouter à ses premières trivialités de nouveaux détails sans intérêt ; mais Eulalie, se levant avec dignité, fit sentir à Madame la présidente combien il serait inconvenant et peu respectueux de souffrir de nouvelles incongruités de la part de Manon, qui ne pouvaient que faire rougir un corps aussi respectable.

Le tour d’Euphrasie pied coquet étant venu, on l’admit à la barre, et sur une espèce de sellette elle intéressa les nymphes par la narration suivante :