Page:Baudoncourt - Le curé Labelle (1833-1891), 1892.djvu/42

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
42
LE CURÉ LABELLE

ture colossale, il mangeait en racontant ses découvertes et ses projets. Très indifférent sur le choix des mets qui lui étaient servis, il mangeait tout ce qui était sur la table, ne s’arrêtant que quand il n’y avait plus rien, ce qui amusait beaucoup ses auditeurs, depuis longtemps rassasiés. Il parlait avec la volubilité qui ne le quitta jamais, prévenant les objections, y répondant sur-le-champ, traitant toute sorte de questions avec une compétence si remarquable, qu’un personnage anglais et protestant, qui l’appréciait fort, disait hautement : « M. Labelle ne devrait pas être curé de Saint-Jérôme, mais premier ministre du Canada. »

Il charmait tellement les visiteurs que le presbytère était devenu l’hôtel le plus achalandé de la ville. On avait donné son nom à la première locomotive qui s’élança sur le chemin de fer du Nord, des hôteliers le donnèrent à leur maison pour s’attirer des clients. « L’Hôtel Labelle » devenait une réclame.

Le gouvernement provincial ne voyait pas de mauvais œil la popularité du digne curé, parce qu’elle favorisait ses desseins. Il songea même à profiter des nombreuses relations de M. Labelle pour lui confier la mission délicate d’aller en Europe prêcher la croisade de la colonisation du Nord et même de l’Ouest, qui commençait à rapatrier les Canadiens revenant des États-Unis. Le clergé tout entier appuyait si bien cette œuvre que l’idée parut toute naturelle, et ce premier