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Page:Baudoncourt - Le curé Labelle (1833-1891), 1892.djvu/59

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LE CURÉ LABELLE

M. Duhamel, commissaire des terres de la couronne et de la colonisation : « N’était ma bonne vieille mère, je n’ai plus grand’chose qui me retienne sur la terre et je suis prêt à partir ; l’œuvre à laquelle j’ai voué ma vie est en bon train, j’ai fait mon testament aujourd’hui. »

Les pressentiments funèbres de M. Labelle étaient justifiés. Ce colosse, qui semblait invulnérable et paraissait devoir défier le temps, était atteint d’une maladie dont les progrès furent si rapides qu’il fut emporté en quelques jours et tomba les armes à la main. Une hernie négligée, résultant sans doute de ses efforts et nombreux voyages à travers les forêts, le terrassa juste au moment où il comptait aller passer le jour de l’an près de sa mère. Les médecins, jugeant le mal à peu près sans remède, hésitaient à le soumettre à une opération cruelle. « Opérez-moi tout de même et donnez-moi quelques jours de vie pour que je puisse aller embrasser maman ! » Ce souhait filial ne put être réalisé et, le 3 janvier, les médecins résolurent de tenter une nouvelle opération.

— Vous voulez donc me tuer ! s’écria le malade ; eh bien ! laissez-moi quelques minutes pour prier et je suis à vous. Et le « Roi du Nord », qui a fait venir son confesseur, n’est plus qu’un chrétien humilié devant le souverain juge ; il se confesse de nouveau avec la foi la plus vive, et, prenant d’une main son crucifix, de l’autre son chapelet, il crie de sa voix tonnante : « Venez, messieurs,