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LES LORTIE

Le juge consulta sa montre, constata qu’il était grand temps d’aller déjeuner et suspendit l’audience. Au sein des groupes qui se formèrent rapidement dans les couloirs et jusque sur le trottoir, l’incompréhensible conduite de maître Léon Martin faisait le sujet de toutes les conversations. Le témoignage de Bob surprenait tout le monde. Marcel n’était-il pas son ami et le frère de la femme qu’il aimait ? Comment comprendre alors qu’il fut venu froidement, sans paraître se rendre compte des conséquences probables de ses paroles, détruire en quelques mots le système de défense de l’accusé ? Quelques personnes, mieux renseignées que les autres, qui savaient que Ninette et Bob étaient en brouille, avancèrent l’hypothèse que Bob n’avait agi de la sorte que pour se venger de la sœur de Marcel. Mais ça n’expliquait pas l’attitude de l’avocat. Il était clair qu’il n’avait pas été surpris d’entendre Bob affirmer que Marcel possédait l’arme trouvée sur lui, depuis la veille du soir fatal de la bagarre. Il ne pouvait faire de doute qu’il avait cité le sergent en toute connaissance de cause ; qu’il savait fort bien quelles réponses allaient attirer ses questions. Alors, pourquoi les avait-il provoquées ces réponses-là ? Pourquoi avait-il délibérément fait le jeu de la poursuite ? Personne ne pouvait fournir une explication plausible, une hypothèse qui se défendit.

Maître Léon Martin rejoignit Marcel, auprès de qui un garde débonnaire avait laissé entrer Ninette. Et quand cette dernière lui demanda :

— Pourquoi avez-vous fait ça, maître ?

Il répondit :

一 De deux maux, il faut choisir le moindre, mademoiselle Lortie.