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RUE PRINCIPALE

D’ailleurs, il n’y avait pas que la bouteille de lait renversée : il y avait aussi ceci, épinglé à la porte. Tiens, lis !

Il tendit à sa sœur la moitié d’un feuillet de cahier d’écolier. Et comme elle hésitait à le prendre il lut :

Marcel Lortie, Saint-Albert est une ville d’honnêtes gens. Ça veut dire que tu n’y es pas à ta place. Va-t-en avant qu’on ne t’oblige à partir.

— Mon pauvre Marcel.

— Oui, je pense qu’ils ont raison, Ninette. Il va falloir que je m’en aille avant que je ne perde complètement le contrôle de moi-même et que je ne fasse quelque chose qui me conduira en prison pour y rester !

— Je t’en prie Marcel !

— Voyons, ma petite sœur, tu sais bien que ça ne peut pas durer cette affaire-là ! Voilà trois jours qu’on trouve le lait renversé à la porte ; hier soir quelqu’un avait mis des bouts d’allumettes dans la serrure. Qu’est-ce que ça sera aujourd’hui ? Qu’est-ce que ça sera demain ? Je ne le sais pas, mais il faut absolument que ça s’arrête. Je suppose qu’on finira par m’attendre au coin d’une ruelle, le soir, pour me flanquer une volée. Ou bien c’est à toi qu’on s’en prendra ! Ils ont raison, je ne peux pas m’entêter: il vaut cent fois mieux que je m’en aille.

— Mais non, Marcel, la police est quand même là pour nous protéger.

— Peut-être, oui. On nous laissera tranquilles pendant quelque temps. Mais le jour où la police relâchera sa surveillance, ça recommencera de plus belle ! Crois-moi, allons-nous-en tous les deux.

— Mais où veux-tu qu’on aille, Marcel ?

— Montréal n’est pas si loin. Ils ne nous poursuivront pas jusque-là.